La perle de Polynésie française reste tout de même un mystère. En effet, que ce soit l’origine génétique, la fabrication de pigments ou encore l’influence de la profondeur de l’élevage : tant que de questions qui restent sans réponse ! Néanmoins, des chercheurs se sont réellement penchés sur la question afin de trouver les réponses que tout le monde attend. Pourquoi est-ce si important de connaître la couleur de cette dernière ? Tout simplement parce que les filières de perlicultures vont pouvoir facilement « repenser la sélection génétique » de leurs perles.
L’huître de Polynésie française produit des perles qui sont noires. Ou du moins, ces dernières possèdent une couleur foncée. Néanmoins, lorsqu’on y regarde de plus près, c’est tout un arc-en-ciel de couleur qui peut apparaître. Notons aussi que ce sont trois couleurs distinctes qui sont présentes : le rouge, le jaune, mais également le vert. Pour pouvoir vendre les perles de Tahiti, il faut en maîtriser la couleur. Et il s’agit d’un réel enjeu pour la filière pellicule. Aussi, les bijoutiers ne peuvent pas se servir des perles si ces dernières ont des couleurs dépareillées. Il est donc vraiment important de trouver la solution pour obtenir des perles identiques et avec les mêmes teintes.
Il faut savoir que la perle de Tahiti est fabriquée grâce à la greffe entre deux huîtres. Le greffon vient alors du manteau de l’huître donneuse : c’est un voile assez fin qui permet la croissance et le développement de la coquille. Quant à l’huître receveuse, il est possible de lui donner le nom de « couveuse » : c’est au greffon de déposer la nacre sur le nucleus puis insérée dans l’huître receveuse. Notons également que la couleur de la perle qui est introduite est de la même couleur que l’intérieur de la coquille donneuse. C’est donc le greffon qui est le porteur génétique de la perle.
Mais les scientifiques ont fait des découvertes qui devraient certainement en laisser certains sans voix. En effet, il y aura sept gènes différents chez les huîtres perlières qui ont une coquille jaune. Notons également que ce n’est pas de dix-neuf qui sont associés aux coquilles vertes et que vingt-quatre sont associés aux rouges. « Les différences de couleur des perles sont dues à des nuances subtiles dans l’expression de ce cocktail de gènes. Ces résultats sont fondateurs pour l’avenir de la perliculture, car ils vont faciliter la sélection des animaux pour les producteurs », explique Pierre-Louis Stenger, qui n’est autre que le premier auteur à avoir écrit un article sur les huîtres perlières.
Mais pour vraiment comprendre d’où peut bien provenir la couleur de ces perles, les scientifiques ont commencé par effectuer une sélection génétique. Ils ont d’abord essayé de choisir une huître donneuse pour obtenir une couleur de perle précise. Le but était tout simplement d’obtenir une descendance avec des couleurs homogènes. Les scientifiques ont également décidé d’analyser les différents tissus utilisés par la greffe. C’est la même méthode que pour découvrir le SARS-Cov2 qui a été utilisé. On parle donc du séquençage. Chaque gène que possède une huître donneuse a été séquencé. Ainsi, avec des mesures de microscopie laser, ils ont pu confirmer les différents pigments qui ont pu être présents sur la coquille en question.
Pourquoi plus l’élevage d’huître est profond, plus la perle est foncée ?
Il faudra bien avouer que le bagage génétique de l’huître donneuse ne fait pas tout, au plus grand désarroi des perliculteurs. Un deuxième article a été publié. Ce dernier à monter que la profondeur de l’huître jouait également un rôle essentiel dans la couleur finale de la perle. Et pour cause, il faut noter qu’une huître élevée à 30 mètres de profondeur sera plus foncée qu’une huître élevée à 8 mètres de profondeur. Pour les producteurs, la couleur foncée est un vrai gage de qualité : il faut donc élevée ces huîtres en profondeur pour que cette dernière puisse produits des perles de bonne qualité.
« Notre étude montre comment ces différences d’environnement se répercutent sur l’expression des gènes de l’huître. Sur l’ADN des huîtres cultivées en profondeur apparaissent de petites molécules chimiques qu’on ne retrouve pas aux mêmes endroits sur l’ADN des huîtres de surface. Ces molécules peuvent allumer ou éteindre l’expression d’un gène. On parle de modifications épigénétiques, car la structure des gènes n’est pas changée : c’est la manière dont ils s’expriment qui est modifiée », explique Jérémie Vidal Dupiol.
Comment cette expérience peut être véridique ? Tout simplement parce que plusieurs séquences ont été faites sur un mois : des huîtres ont été plongées à 8 mètres de profondeur et une partie des individus testés ont été mis à 30 mètres de profondeur, puis remonter de nouveau à 8 mètres. Bien évidemment, avant de mettre les huîtres à 30 mètres puis de les remonter, des prélèvements ont été faits sur les manteaux de ces dernières. L’expérience a finalement démontré qu’une huître plongée plus profondément produira forcément des perles de Tahiti plus foncée.
« Cela permet de repenser la sélection génétique, dont le principal inconvénient est de réduire la diversité génétique et d’augmenter le risque de sensibilité aux perturbations comme les maladies. Car on peut obtenir le caractère recherché (ici une perle foncée) avec des individus très différents génétiquement. Reste à savoir si les modifications chimiques observées sur l’ADN durent dans le temps, ou mieux encore si elles se transmettent sur plusieurs générations », conclut Chin-Long Ky.